Dès son dépôt
auprès du juge d'instruction, presque un an plus tard, le rapport
judiciaire AUFFRAY-BOURGEOIS est contesté par le pilote mis en examen, mais aussi par
le SNPL (Syndicat des pilotes de ligne) qui s’est porté partie civile. Un
deuxième collège d'experts est alors nommé: Max VENET et Jean BELOTTI qui
déposent bientôt un pré-rapport édifiant à lire absolument:
Synthèse du condensé de l'existant.
De son côté, la commission
administrative BECHET tarde à clôturer ses propres conclusions. Plusieurs versions
circulent, variables et imparfaites.
Enfin, sur
l'insistance du Parquet, le dossier de l'Affaire est "dépaysé". Il
quitte donc Mulhouse pour Colmar et est confié au doyen, le juge François
GUICHARD.
Au fil des mois
puis des années, les conclusions tirées des enregistrements sont de plus en
plus fortement contestées par le Commandant Michel ASSELINE ainsi que par un
autre pilote, syndicaliste d'Air France, Norbert JACQUET. Licencié d'Air France
pour "raisons mentales", il sera reconnu ultérieurement parfaitement
apte par d'éminents médecins, sans pour autant pouvoir retrouver son emploi.
Chacun des deux va
écrire un livre pour expliquer une thèse similaire: La technologie de l'A
320 est en cause et les enregistrements des "boîtes noires" ont été
trafiqués pour protéger le succès commercial très attendu de l'A 320.
De son côté le
Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) édite un dossier: "L'Affaire" qui soulève les multiples
anomalies des expertises administrative et judiciaire et pose de nombreuses
questions pertinentes au juge d'instruction François GUICHARD et aux nouveaux
contre-experts. A l’évidence, dans ce dossier, c'est la logique des pilotes
contre les affirmations dictées par la raison d'Etat qui s'opposent. En outre,
commandités par Michel Asseline ou le SNPL, plusieurs travaux d'experts indépendants français et
étrangers sont balayés par le Juge d’Instruction qui ne reconnaît que les
« Hommes de l'Art » nommés par lui-même.
Une nouvelle arme
est aussi utilisée par les autorités: la diffamation ! Michel ASSELINE et
Norbert JACQUET vont la subir par deux fois, diligentée par les Ministres des
Transports successifs et le Directeur de la DGAC, Daniel TENENBAUM.
L'acharnement et la question sont poussés à l’extrême pour balayer à tout prix
les soupçons sur la merveille de Toulouse: l'A 320.
Mais d'autres
crashs vont venir ternir l'image de l'A 320: Bangalore,
Mont Sainte Odile, Varsovie. A chaque fois, c'est "l'erreur humaine" qui sera
l'explication officielle des causes des accidents.
Pendant cette
période, les reportages et les dossiers dans la presse écrite quotidienne,
magazine(Science & Vie, VSD,…) ou télévisée ( Antenne 2 (F), Channel
Four(GB), ZDF(D), TSR(CH)…) vont interpeller la thèse officielle du pilote
unique coupable, mais l'Etat Français et tous ses rouages restent de marbre et
persévèrent dans leur théorie: l'avion est hors de cause !
Après avoir refusé
la quasi totalité des actes de confrontation des acteurs de cette affaire ou de
complément d’enquête et d’expertise demandés par Michel Asseline, le juge
Guichard clos l’instruction. La date du procès est fixée au mois de décembre
1996. Les experts, les contre-experts et une kyrielle d’experts - adjoints vont
s’évertuer à occuper l’attention du Tribunal et faire étalage de leurs
certitudes durant les quatre semaines d’audience.
Sur le banc des
prévenus, 5 accusés. Deux cadres d’Air France, Henri PETIT, directeur
des opérations aériennes et Jacques GAUTHIER, responsable de la
sécurité, doivent répondre de l’organisation du vol. Le Président de l’aéroclub
de Habsheim, François FURSTENGERGER doit expliquer pourquoi il n’a eu
l’autorité nécessaire pour imposer aux pilotes d’Air France un briefing avant
le vol. Enfin, le Commandant Michel ASSELINE et le co-pilote Pierre
MAZIERES vont devoir justifier leur passage à basse altitude au dessus d’un
terrain d’aéroclub.
Les victimes
s’étonnent de ne pas trouver sur le banc des accusés la DGAC qui avait couvert
ce genre d’exhibition durant de nombreuses années et Airbus Industrie dont les
affirmations de protection absolue pour l’A320 ne sont sûrement pas étrangères
à la présentation de Habsheim. Ces mêmes victimes, oubliées après les premiers
jours de l’accident, jamais reçues ni écoutées par les juges d’instruction
successifs ont l’impression de n’être que du poids résiduel comme la tare de
l’avion, face à la raison d’Etat.
Avec
le recul, on s’aperçoit que depuis lors les victimes et leurs familles sont bien mieux traitées et ce n’est que
justice pour elles. Les rescapés de l’accident de Habsheim ont été des
précurseurs. Une réglementation datant de l’épopée de l’Aéropostale des années
30 était toujours en vigueur pour l’indemnisation des préjudices des passagers.
Depuis, les choses ont bien changé et les victimes du crash de Habsheim sont
fières d’avoir contribué cette prise de conscience.
Quelques semaines
avant le procès en Appel prévu en janvier 1998, Michel ASSELINE découvre par
hasard une photo prise par un journaliste de l’agence SIPA lors du survol des
lieux du crash le jour de l’accident. Cette photo montre Claude
GERARD portant les enregistreurs. Le personnage est petit, mais l’agrandissement maximum
permet de distinguer les bandes blanches du DFDR : elles sont
perpendiculaires alors que le DFDR aux mains de la justice porte des bandes
orientées à 21°. A la demande de Michel ASSELINE, une analyse est effectuée par
l’IPSC (Institut de police scientifique
et de criminologie) de Lausanne. Le pré-rapport est ignoré par la Justice qui
condamne Michel Asseline à 10 mois de prison. Le rapport définitif paraît au
moment du dixième anniversaire du crash avec des conclusions formelles : le
DFDR de la photo est différent de celui aux mains de la justice.
Michel ASSELINE et
les passagers portent aussitôt plainte pour faux et usage de faux. Cette
plainte est instruite par…le juge GUICHARD.
Paradoxe évident et
cruel dilemme, ce magistrat est sensé étudier de nouvelles plaintes en
contradiction avec ses convictions, toute son instruction ainsi que les
conclusions de ses experts, des experts à présent mis en cause. Après plusieurs
mois, le juge GUICHARD désigne deux techniciens de la police de Lyon, Melle WEHBI et Mr VIGREUX pour étudier le
rapport suisse. Les conclusions s’opposent aux travaux de l’IPSC, mais
sans démontrer avec certitude l’obliquité ou la perpendicularité des bandes.
Les victimes et le pilote demandent aussitôt une reconstitution afin de lever
tous les doutes. Le juge GUICHARD y consent avant de faire volte face et de
désigner un nouveau collège d’experts, MMrs MARTIN et LEBLANC pour étudier…la
pertinence d’une reconstitution.
Michel ASSELINE
construit alors deux boîtiers aux dimensions exactes. L’un aux bandes
perpendiculaires, l’autre en diagonale et procède à des prises de vue en
hélicoptère selon les hauteurs et les axes précis déterminés entre temps par le
collège d’experts LEBLANC et MARTIN.
Une surprise qui
n’en est pas une éclate alors aux yeux : Il est impossible de confondre
des bandes perpendiculaires avec des bandes en diagonale.
* * * *
*
En France, l'idée
d'une presse puissante et responsable, véritable "quatrième
pouvoir",est sérieusement écornée quand la politique et l'argent se
liguent contre elle. Sans s’appesantir sur la lâcheté de certains, le poids de
la publicité, la diffamation et l'actionnariat industriel font taire bien des
velléités de journalistes épris de vérité ou de croisade.
Peu de gens
s'aperçoivent de cet aspect des choses dans l'affaire de Habsheim et c’est une
des leçons à tirer, bien au delà de l’événement lui-même : La démocratie
s'est agenouillée devant la raison d'Etat. C'est la puissance de l'argent roi
qui a gagné une bataille.
Quand à la Justice,
à l’évidence, elle ne s’est pas donné les moyens d’avoir un avis réellement
impartial. Tous les experts nommés étaient liés de près ou de loin à Airbus, à
la DGAC, à Air France, et donc totalement incapables d’être objectifs. De plus,
la maladie bien française de refuser l’avis de confrères étrangers a permis des
dérives incompatibles avec la recherche scrupuleuse de la vérité. La propension
à vouloir défendre l’A 320 était générale, même au détriment des plus
élémentaires droits de l’homme et de la simple justice.
Aujourd’hui, dans
tous les milieux aéronautiques, « le traitement particulier » des
enregistreurs de l’Airbus A 320 F-GFKC de Habsheim est un secret de
polichinelle, mais personne n’ose en parler le premier, espérant bien ne jamais
être victime personnellement de ce genre d’affaire. La tête de l’autruche fait des ravages dans le microcosme aéronautique
français!