SYNTHÈSE CONDENSÉE  DE L' EXISTANT

Les termes et la présentation de ce texte sont similaires au Rapport de la  « Synthèse globale condensée de l 'existant » rédigée par MMrs Venet et Belotti sur demande du juge d’instruction, Madame Marchioni.  Ce rapport a été déposé à son cabinet au mois de MAI 1990. Dans les jours qui suivent, les deux mêmes experts reçoivent mission de Madame Marchioni de recommencer toute l’enquête à son début.

Le juge Guichard du tribunal de Colmar va hériter de l’ensemble du dossier quelques semaines plus tard.

Il va confirmer la mission des deux experts. MMrs Venet et Belotti vont donc parcourir le monde aéronautique pour... enquêter. Leur rapport final sera déposé au cabinet du juge Guichard, à Colmar, quelques jours avant les fêtes de Noël 1992.

Nous avons souligné en brun  les parties du texte les plus intéressantes, mais l’ensemble des 28 pages est particulièrement pertinent et édifiant. Surtout lorsqu’on le compare au rapport définitif. Au delà des évidentes découvertes et des réponses à leurs questions que les experts ont trouvé durant leur enquête, le revirement de leur opinion est manifeste  et nombre de questions posées par eux dans ce pré-rapport deviennent « sans objet »…… et donc restent sans réponses !!!

* * * * *

RAPPORT VENET – BELOTTI ( Synthèse globale condensée de l’existant)

Affaire: Contre expertise accident aéronef HABSHEIM

T.G.I. de MULHOUSE. NO du Parquet: J-16931/88

NO de l'instruction:IV.50/58

SYNTHÈSE GLOBALE CONDENSÉE DE L' EXISTANT

Edition du 17 Mai 1990

PRÉSENTATION

 

* Cette synthèse de l’existant réunit les faits les plus importants du dossier d’instruction.

* Elle est globale, ce sens qu'elle concerne l'ensemble des 2575 pièces qui ont été communiquées aux experts BELOTTI et VENET.

* Elle est condensée, en ce sens qu'elle ne présente qu'un résumé des points traités.

Elle ne préjuge en rien:

- des synthèses partielles de l'existant par sujet spécifique, qui seront plus complètes et associées aux actions concrètes à engager.

- de la synthèse finale qui sera rédigée après réalisation du programme d'actions préconisées par les experts.

SUJETS STIPULES DANS LA MISSION

1. CHEMINEMENT DES ENREGISTREURS:

1.1. Les faits

* Les enregistreurs DFDR et CVR extraits de l'avion accidenté le 26 Juin 1988, bien que constituant - de toute évidence - des pièces à conviction d'importance primordiale, n'ont pas été placés sous scellés avant d'être confiés par Mr le Procureur de la République à Mr TENENBAUM, Directeur Général de l'Aviation Civile. Ce dernier les a acheminés par avion à VILLACOUBLAY, le soir même de l'accident, en vue de leur exploitation immédiate aux fins de l'enquête administrative et technique.

* Dès leur arrivée à VILLACOUBLAY, les deux enregistreurs ont suivi des cheminements différents, l'un (DFDR) vers le Centre d'Essais en Vol de BRETIGNY, l'autre (CVR) vers le Bureau Enquêtes -Accidents à PARIS.

* A l'exception de Mr GERARD, enquêteur de première information, qui a prélevé les enregistreurs sur l'épave de l'A 320 accidenté, personne ne paraît avoir pris la précaution élémentaire de relever le numéro d'identification gravé sur le boîtier du CVR, préalablement à toute prise en charge, transport, stockage, manipulation, ouverture et exploitation de son contenu.

* Aucune des autorités au organismes ayant tour à tour reçu la responsabilité de la garde des enregistreurs et/ou les ayant exploités n'a tenu un registre précis des copies faites des enregistrements et de leur diffusion.

* Malgré la réaction rapide de la Justice à la suite de "fuites" constatées dans la Presse, dès le lendemain de l'accident, (reproduisant en tout ou partie le contenu de l'enregistrement des conversations au poste de pilotage de l'A 320 accidenté), les diverses autorités ayant la garde des enregistreurs et de leur précieux contenu n'ont déféré que le 6 Juillet 1989 à l'injonction qui leur avait été faite le 29 Juin 1988 de rendre ceux -ci à l'autorité judiciaire. La mise des enregistreurs sous main de justice et l'apposition de scellés a été faite le 6 Juillet 1980.

* Lesdits enregistreurs et les bandes magnétiques resteront, au total, sous main de justice, pendant six jours, c'est- à- dire jusqu'au 13 Juillet 1988, date où ils sont confiés par la Gendarmerie des Transports Aériens à l'expert AUFFRAY, sur sa demande. Il n'apparaît pas dans son Rapport, ni dans aucun de ses compte -rendus d'avancement de travaux, ni dans les Rapports et PV de Gendarmerie, que cette prise de possession ait été accompagnée du constat de l'intégrité des scellés et du relevé des numéros d'identification des enregistreurs.

* La trace des enregistreurs n'apparaît plus ensuite dans le dossier pendant près d'un an, jusqu'au moment où Madame MARCONI, Juge d'Instruction, ordonne à la Gendarmerie des Transports Aériens, le ler Juin 1989, "de se faire remettre auprès de l'expert AUFFRAY le CVR, le DFDR avec les originaux et les copies des bandes, ainsi que le listing définitif en 6 volumes". Pour mémoire, les experts AUFFRAY et BOURGEOIS avaient remis leur Rapport Final le 7 Avril 1989.

* Lors de leur retour entre les mains de la Justice, il ne semble pas:

- que de nouveaux scellés aient été apposés sur les enregistreurs,

- qu'un constat de l'état des premiers scellés ait été fait,

- que les numéros d'identification gravés sur les boîtiers des enregistreurs aient été relevés.

* Les scellés étaient violés lorsqu'ils ont été présentés par Mr SENGELIN, Doyen des Juges d'Instruction au TGI de MULHOUSE, au Commandant ASSELINE, sur sa demande, le 13 Avril 1990. Les clichés pris par l'Identité Judiciaire ne font aucun doute à cet égard.

1.2. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) Les anomalies décrites ci -dessus en ce qui concerne le cheminement des enregistreurs se cumulent avec celles relevées au sujet des enregistrements. Il est impossible de dire, au vu des pièces du dossier, combien de copies ont été faites des bandes originales (en admettant que ces dernières puissent être authentifiées comme telles après expertise), des diverses transcriptions et listings, et quels en furent les destinataires officiels ou "occasionnels".

b) Le défaut de précautions ainsi constaté de la part des personnes ayant eu successivement la garde des enregistreurs et des enregistrements fait peser un doute sur le sérieux des procédures utilisées et sur la validité des données extraites d' enregistrements dont l'authenticité paraît difficilement démontrable.

c) L'instruction Interministérielle du 3 Janvier 1953 définit les modalités de la coordination de l'information judiciaire et de l'enquête technique et administrative en cas d'accident aérien. Cette Instruction précise notamment que "l’information judiciaire et les actes d'instruction urgents ne doivent être entravés d'aucune manière."

En conséquence, il y a donc lieu de faire les plus expresses réserves - jusqu'à plus ample informé - quant à la validité des conclusions qui ont été tirées - tant au niveau de l'enquête administrative que de l'expertise judiciaire - du contenu des enregistrements CVR et DFDR, ceux -ci ne présentant pas les garanties d'authenticité qui doivent être celles de pièces à conviction.

2. DÉPOUILLEMENT DU DFDR:

2.1. L'enregistreur

* Le CEV a déclaré que les premières opérations de dépouillement se sont passées - de 02HOO à O8HOO du matin le 27 Juin 1988 - sans problème particulier, l'enregistreur étant en bon état, la cinématique étant parfaite, sans qu'aucune détérioration physique de la bande soit apparente.

* Selon le rapport du CEV du 18 Août 1988, d'autres opérations de dépouillement ont été faites plus tard sur cet enregistreur par le CEV (entre le 27 Juin et le 6 Juillet 1988, date où ils ont été placés sous scellés).

* Un dernier dépouillement du DFDR a eu lieu le 6 Juin 1989 au CEV en présence de Mr BOURGEOIS, expert spécialement commis par Ordonnance du Juge d'Instruction en date du 2 Juin 1989 pour "faire exécuter un printing complet et cohérent de la bande DFDR". Selon son rapport du 21 Juin 1989, la bande présente "de légères traces de pliures ou froissements".

* Le DFDR a été récupéré par la Gendarmerie des Transports Aériens aussitôt après ce dernier dépouillement. Il n'apparaît pas que de nouveaux scellés aient été apposés.

 

2. 2. Les Bandes

* La bande originale (boucle sans fin) ne comportait aucune détérioration physique (cf.supra). Elle a ensuite été "coupée juste après le premier galet gauche pour être récupérée". Le bien -fondé de cette coupure devra être vérifié auprès du constructeur FAIRCHILD, certains témoignages affirmant que ce dernier préconiserait de ne pas couper la bande et de la dépouiller directement en sortie de l'enregistreur utilisé comme banc de lecture.

* Cette coupure ne semble pas avoir été faite avec beaucoup de soins si l'on en juge par l'état ultérieurement constaté de la bande (cf.supra). Ses conséquences sur l'intégrité et la qualité des dernières secondes d'enregistrement paraissent en avoir irrémédiablement compromis l'exploitation.

* Les conditions d'identification, de stockage et de conservation de la bande originale ne sont pas précisées.

* Il n'est pas possible de savoir, au vu des pièces du dossier, combien de copies en ont été tirées et quels en ont été les destinataires. Tout au plus peut on estimer qu'une copie de la bande originale ou une copie d'une copie a pu être transmise aux organismes suivants dotés de dispositifs de lecture et cités dans divers rapports et PV:

- AIR FRANCE

- CFM International

- AIRBUS INDUSTRIES

Le CEV signale avoir transféré la bande originale "sur une bobine compatible avec les moyens de lecture, sans aucun problème particulier," et "n'avoir effectué aucune opération particulière sur la bande magnétique, hormis le collage des bandes amorces". La bande "reconditionnée" a ensuite été montée sur la platine de lecture FAIRCHILD de la station RESEDA du CEV.

* Un certain empirisme semble avoir présidé au choix des vitesses de lecture adoptées en vue de la restitution des paramètres enregistrés, et on ne sait pas combien de passages de cette bande ont été effectués.

* Une dernière lecture ou série de lectures a été faite le 6 Juin 1989, en exécution de la Commission Rogatoire ordonnée par le Juge MARCHIONI le 2 Juin 1980 (cf.supra).

* Dans son Rapport du 21 Juin 1909, Mr BOURGEOIS, expert spécialement commis pour cette opération, déclare que "la bande magnétique originale a été retrouvée dans un bon état général, mais qu'on y a toutefois de nouveau observé, sur les derniers centimètres, avant le point de coupure correspondant au début de la partie enregistrée, de légères traces de pliures au froissements". Pour mémoire, on notera que le "début de la partie enregistrée" correspond aussi - s'agissant d'une boucle sans fin - à la fin de la partie enregistrée, et qu'il semble que ces pliures aient été précédemment observées, ce qui n'apparaît pas sur les rapports et PV antérieurs et notamment dans le Rapport Final des experts judiciaires AUFFRAY et BOURGEOIS en date du 7 Avril 1909.

2.3. Les listings

* Il existe 5 liasses de listings dans le dossier des pièces de la procédure:

lère liasse (D 181 à D 186) datée du 27 Juin 1988

2ème liasse (D 2283 à D 2289) datée du 31 Mai 1988

3ème liasse (D 2290 à D 2296) datée du 27 Juin 1988

4ème liasse (D 22197 à D 21302) datée du 27 Juin 1988

5ème liasse (D 2304 à D 2311) datée du 6 Juin 1989

* Toutes les pages portent - à la date près - le même entête:

"ACCIDENT AIRBUS A320 DFDR 17MOOO-251 N03237 CEV LE date".

* Le numéro 3237 correspond au numéro d'identification relevé par Mr GERARD lorsqu'il a extrait les enregistreurs de l'épave le jour de l'accident.

* Chaque liasse comporte 6 Tomes de 9 à 24 pages chacun, chaque Tome correspondant à l'une des 6 pistes de l'enregistrement magnétique.

* Des différences considérables existent entre les 5 versions représentées par les 5 liasses, et il n'est pas possible - à ce stade de la contre-expertise - de savoir exactement sur quelle(s) version(s) se sont basés respectivement les experts AUFFRAY et BOURGEOIS, la Commission d'Enquête, la Commission d'Investigation AIR FRANCE, AIRBUS INDUSTRIES, CFM INTERNATIONAL et le Conseil de Discipline pour étayer leurs rapports, déclarations et décisions.

* Ces différences partent notamment sur:

- les bases de temps utilisées pour situer chaque évènement, mesurer les distances parcourues et les vitesses,

- la durée totale des enregistrements, notamment dans les dernières secondes du vol.

- la position géographique de l'avion en Latitude et longitude. A cet égard, la 2ème version comporte deux Tomes entiers de 9 pages chacun montrant l'avion aux environs du Lac Bangouelo dans le Nord -Ouest de la ZAMBIE,

- le nombre et la nature des paramètres enregistres.

* La 2ème version (celle qui situe l'avion en ZAMBIE) est datée du 31 Mai 1989, c'est –à -dire avant l'accident. Elle figure dans les pièces de la procédure avec une note du TGI indiquant qu'elle a été remise par Mr DE VILLENEUVE. Aucun des rapports ne fait état de cette anomalie pourtant criante.

* Les lère, 3ème et 4ème versions, bien que fort différentes les unes des autres, portent toutes la même date du 27 juin 1988. Bien qu'il s'agisse vraisemblablement d'un oubli de modifier l'entête, cela ne simplifie pas la tâche des contre -experts, deux ans après les faits.

* La 5ème version, effectuée au CEV le 6 Juin 19B9 sous contrôle direct de l'expert BOURGEOIS et de la Gendarmerie des Transports Aériens, est apparemment celle sur laquelle s'est finalement basée la Commission d'Enquête administrative et technique dont le président, Mr BECHET, était présent lors du dépouillement.

* Bien que ledit dépouillement ait eu lieu un an après l'accident, il aurait été envisageable d'utiliser cette 5ème version comme base d'analyse aux fins de la présente contre -expertise si aucune ambiguïté ne subsistait aujourd'hui au sujet de l'intégrité des scellés. Or c'est loin d'être le cas.

2.4.

Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) Une analyse exhaustive et comparative de ces cinq versions serait - certes - possible mais nécessiterait un travail considérable de la part des contre - experts, et il n'est pas certain que ce travail ait une utilité, dans la mesure où chacun des précédents utilisateurs s'est servi de listings différents pour étayer ses arguments quand à la détermination des faits.

b) On notera que le rapport final des experts AUFFRAY et BOURGEOIS, clos le 7 Avril 1989 après qu'ils aient librement disposé des enregistreurs et des enregistrements pendant 9 mois, est basé sur l'une ou plusieurs des quatre premières versions, alors que le Rapport final de la Commission d'Enquête de l'Administration de l'Aviation Civile semble s'appuyer, dans son ultime rédaction du 29 Novembre 1989, sur la 5ème version.

c) Ceci n'a rien d'étonnant dans la mesure où celle -ci n'a rendu son Rapport que le 29 Novembre 1989, bénéficiant du résultat d'enregistrements postérieurs à la clôture du Rapport des premiers experts judiciaires, et ayant eu accès à des renseignements et à des dires dont les experts judiciaires n'avaient pu - et pour cause - avoir connaissance.

d) Ce Rapport du 29 Novembre 1989 n'étant toujours pas publié au Journal Officiel à ce jour, il y a lieu de s'interroger sur l'étrangeté sans précédent de ce décalage entre la clôture des deux rapports, l'enquête technique et administrative devant normalement - en toute logique - être close avant l’enquête judiciaire, afin de permettre à cette dernière de s’appuyer – autant que possible – sur le Rapport d’enquête technique.

Pour toutes ces raisons, les experts BELOTTI et VENET considèrent qu'il est nécessaire de reprendre en totalité les opérations de dépouillement et d'analyse des enregistrements à partir de la bande originale, à condition de parvenir à l'authentifier avec certitude.

* Un plan d'actions appropriées, comportant notamment l'examen des scellés ainsi que diverses expertises nouvelles des enregistreurs et des bandes, sera soumis prochainement à Mme le Juge MARCHIONI.

3. DÉPOUILLEMENT DU DFDR :

    3.1. L'enregistreur

* Dès son arrivée à 01H210 du matin, le 27 Juin 1988, au laboratoire d'écoute du STNA, le CVR est ouvert par un technicien, Mr EUDOT, en présence de MM DAVIDSON, FRANTZEN et LAGORCE.

* L'enregistreur n'avait pas été ouvert récemment et son joint d'étanchéité était bien collé.

* Personne ne semble avoir relevé le numéro d'identification gravé sur l'enregistreur, et celui -ci n'apparaît dans aucun rapport ou PV, hormis celui de Mr GERARD qui préleva les enregistreurs dans l'épave le jour de l'accident.

* Selon Mr FRANTZEN, l'enregistreur et la bande sont en excellent état, et il n'a été procédé à aucune manipulation particulière autre que celles strictement nécessaires à cette copie d'audition.

* L'une des manipulations apparaissant dans les pièces du dossier d'instruction a consisté à corréler la vitesse de défilement de la bande avec la fréquence 400 Hz correspondant à celle du réseau électrique alternatif de bord. Il n'est pas certain que cette opération - qui relève d'une méthode classique couramment employée dans les enquêtes -accidents - ait été faite lors de cette première audition.

* Le labo a ensuite été fermé à clé. L'heure de fermeture indiquée est différente selon les participants à ce dépouillement (entre 02H20 et 04H00)

* Il semble qu'il ait été à nouveau ouvert un peu plus tard dans la matinée et que - contrairement au premier dépouillement effectué dans la nuit précédente - le Bureau Enquêtes - Accidents n'ait pas tenu un registre des personnes présentes, des opérations effectuées et du nombre de copies et transcriptions tirées de l'enregistrement.

* Les portes du laboratoire d'écoute n'ont pas été maintenues fermées "en raison de la chaleur", et un nombre incontrôlable de personnes ont pu écouter la bande.

Rien d'étonnant, dès lors, que des "fuites" se soient produites aussitôt, faisant les grands titres de la Presse écrite et télévisée. Les résultats de l'enquête interne diligentée à l'intérieur de son Administration par le Directeur Général de l'Aviation Civile relativement à ces "fuites" n'apparaissent pas dans le dossier d'instruction, pas plus que les mesures prises pour faire cesser ces pratiques négligentes.

3.2. Les bandes

* Lors de l'arrivée du CVR au laboratoire du STNA, le technicien Mr EUDOT a procédé à l'extraction de la bande, à sa lecture et il a "effectué des copies pour ne pas avoir à travailler sur l'original". Le nombre de copies n'est pas précisé par ce technicien, mais MM FRANTZEN et DAVIDSON font état d'une seule copie.

* La bande était "en excellent état" selon Mr FRANTZEN. Elle a été extraite de l'enregistreur et placée sur la platine du magnétophone "ad hoc".

* Les précautions prises pour son identification formelle par rapport aux copies, pour son stockage et pour sa mise à l'abri des indiscrétions ou manipulations frauduleuses éventuelles, ne sont pas décrites dans les pièces du dossier d'instruction.

* Selon Mr DAVIDSON, Chef du Bureau Enquêtes - Accidents, une nouvelle copie de travail a été faite le 27 Juin, sur sa demande, par des techniciens du STNA, mais il a déclaré ignorer les noms des personnes ayant assisté à cet enregistrement.

* Mr DEPITRE, Ingénieur Chef de la Division Nuisances au STNA, a déclaré avoir écouté la bande en faisant une copie sur cassette le 27 Juin, mais ignorer les noms des personnes présentes. Il n'est pas possible de savoir combien de ces cassettes ont été faites au total, combien de copies en ont été tirées et quels en ont été les destinataires ou ampliataires. Une fois copié sur cassette, l'enregistrement du CVR peut être écouté sur n'importe quel magnétophone ou "walkman".

* Sur ordonnance du Juge SENGELIN en date du 29 Juin 1988, l'enregistreur CVR, la bande originale et un nombre non précisé de copies et de transcriptions ont été saisis et placés sous scellés, le 6 Juillet 1988 par la Gendarmerie des Transports Aériens. Ce délai d'exécution de 7 jours est imputable, selon Mr DAVIDSON, Chef du Bureau Enquêtes - Accidents, au fait qu'il n'aurait pas eu connaissance de l'ordonnance du Juge exigeant la restitution immédiate de l'enregistreur, des bandes et des transcriptions.

* Une semaine après leur saisie, la Gendarmerie des Transports Aériens les a remis - sur sa demande - à Mr AUFFRAY, expert judiciaire, qui en a pris possession et conservé la garde jusqu'au ler Juin 1989, date où ils ont été à nouveau récupérés par la Gendarmerie des Transports Aériens sur ordre du Juge MARCHIONI. La mission de cet expert était terminée depuis le 7 Avril 1989, date de remise de son Rapport Final.

* Le Rapport des experts AUFFRAY et BOURGEOIS, comme le Rapport de la Commission d'Enquête administrative et technique, font état d'une étude spectrographique de la bande CVR à des fins de détermination des régimes des moteurs sur la base du bruit d'ambiance au poste de pilotage.

* Cette technique est pratiquée parfois avec succès dans beaucoup d'enquêtes - accidents en France et à l'étranger, mais elle nécessite un appareillage complexe d'étalonnage et de mesure. Cet appareillage existe chez les constructeurs de moteurs d'avions, dont la SNECMA/CFMI.

* Une ou plusieurs copies de la bande du CVR ont donc été transmises à CFM International et à AIRBUS INDUSTRIES, sans que l'on sache quand, par qui et quelle a été leur destination finale.

3.3. Les transcriptions

* Il n'est pas possible de savoir combien de transcriptions ont été faites de la bande CVR, ni quels en ont été les destinataires ou ampliataires officiels ou fortuits.

* Certaines transcriptions apparaissant dans le dossier sont manuscrites, avec parfois plusieurs écritures superposées, sans indications de date(s) ni d'auteur(s).

* D'autres sont dactylographiées, sans que l'on en connaisse l'auteur, la date ou le rédacteur.

* La plupart des transcriptions ne comportent aucune échelle de temps.

* Toutefois, la transcription apparaissant en annexe au Rapport Final de la Commission d'Enquête administrative et technique comporte des bases de temps apparemment précises mais dont l'origine n'est pas connue.

* Le Rapport Final des experts AUFFRAY et BOURGEOIS ne fait pas apparaître de transcription du CVR alors que les conversations de l'équipage sont largement commentées dans ledit rapport.

* La longueur des enregistrements diffère de plusieurs secondes selon les diverses versions figurant au dossier. C'est ainsi que le Rapport Final de la Commission d'Enquête administrative et technique produit en annexe une version dactylographiée de l'enregistrement CVR tronquée de certaines remarques importantes apparaissant dans la première version utilisée par la même Commission pour la rédaction de son Rapport provisoire: des bruits de pompage moteur "BOUM BOUM" apparaissant dans les dernières secondes enregistrées sur la première version disparaissent dans la version finale.

3.4. Avis des experts.

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) Il serait inutile et coûteux de se livrer aujourd'hui, près de deux ans après l'accident, à une analyse comparative des diverses transcriptions du CVR. Toutes paraissent entachées d'imprécisions et d'erreurs imputables à un défaut de méthodologie et parfois à des contraintes de temps: plusieurs fonctionnaires ayant participé à l'enquête ont fait état de la brièveté du délai qui leur était imparti, sans citer l'autorité qui leur imposait cette contrainte préjudiciable à un travail sérieux.

b) Les deux pilotes étant survivants, il paraît surprenant que des auditions et des transcriptions de la bande aient pu être faites et surtout exploitées avant qu'ils aient pu en prendre connaissance et faire connaître leurs observations sur leur contenu. L'enregistrement des conversations et alarmes sonores au poste de pilotage était destiné, à l'origine, à éclairer les enquêteurs en cas de décès ou d'incapacitation majeure de l'équipage, ou encore à clarifier certains points en présence de l'équipage. Il semble que le but de ces enregistrements ait été perdu de vue.

c) Quant aux fuites, il est indéniable qu'elles ont eu un impact considérable sur le cours de l'enquête dans la mesure où elles fait peser un doute sur le sérieux des fonctionnaires et techniciens ayant participé au dépouillement des enregistreurs.

d) La raison de l'arrêt des deux enregistreurs, bien avant le contact du sol, alors que les moteurs tournaient et entraînaient les alternateurs, n'a pas pu être expliquée par la Commission d'Enquête administrative et technique.

e) Quant à l'explication avancée par les experts AUFFRAY et BOURGEOIS selon laquelle cet arrêt serait dû à un arrachement des fils dans les puits de train d'atterrissage lors du passage sur les arbres, elle paraît devoir être réexaminée en fonction du cheminement réel des câbles d'alimentation des enregistreurs le long du fuselage (plan de câblage "Wiring Diagram" de l'A-3210) et du fait que les trappes de train étaient refermées après la sortie du train d'atterrissage.

* Pour toutes ces raisons, les experts BELOTTI et VENET considèrent qu'il est nécessaire de reprendre en totalité les opérations de dépouillement et d'analyse des enregistrements à partir de la bande originale, à condition de parvenir à l'authentifier avec certitude.

* Un plan d'actions appropriées sera soumis prochainement à Mme le Juge MARCHIONI. Il comportera notamment l'examen des scellés, l'audition des inculpés ainsi que diverses expertises nouvelles des enregistreurs et des bandes.

4. ALTIMÉTRIE

4.1. Les faits

* Le Commandant ASSELINE a déclaré ne pouvoir s'expliquer que l'avion soit descendu plus bas que 100 pieds sans qu'il s'en soit rendu compte. Il a notamment émis des doutes sur la prise en compte correcte du calage altimétrique au moment du survol d'HABSHEIM, en insistant sur le fait que les deux ordinateurs de bord ne communiquaient pas entre eux en raison d'une anomalie dans la banque de données, constatée sur le FMGC N02 lors d'un vol antérieur (réalisé par le Commandant CHATELAIN).

* Les rapports de la Commission d'enquête confirment:

- qu'un changement intempestif de calage altimétrique au sol, porté sur le Compte-rendu Mécanique de l'avion, s'est produit sur un vol effectué le matin même de l'accident,

- que d'autres incidents analogues au sol et en vol se sont déjà produits sur d'autres avions de ce type et ont entraîné la publication, par le constructeur d'un B.O.T. (Bulletin Opérationnel Technique).

* Le rapport d'AIR FRANCE concernant l'activité de l'A 320 sur la première année d'exploitation signale un phénomène considéré comme l'un des plus graves concernant l'existence de modifications intempestives d'affichage altimétrique en vol sans que l'origine de ces anomalies fugitives ait pu être détectée à ce jour.

* Cependant, le Président de la Commission d'enquête, Mr BECHET, témoignant sur demande du Commandant ASSELINE, au Conseil de discipline, a déclaré:

- qu'un changement inopiné des données du FCU entraînant une modification du calage altimétrique lui paraissait improbable,

- que la Commission d'Enquête n'a pas retenu l'hypothèse émise par le Commandant ASSELINE portant sur un défaut éventuel de calage altimétrique.

Les experts AUFFRAY/BOURGEOIS concluent que l'impossibilité de transférer les informations d'un FMGC (Flight Management Guidance Computor) à l'autre, n'a joué aucun rôle dans l'accident et précisent:

- que les essais ultérieurs effectués chez AIRBUS INDUSTRIE et analysés par les experts, ont permis de mettre en évidence les conditions techniques simultanées nécessaires pour obtenir la modification des valeurs sélectées et que ces conditions n'étaient pas satisfaites, selon eux, lors du vol au dessus d'HABSHEIM.

- qu'aucun transfert électrique n'a d'ailleurs été opéré (pilote automatique non engagé) et que lors de l'arrivée en descente à 100 pieds barométrique annoncés par l'Officier pilote, (annonce enregistrée dans le CVR), l'annonce orale automatique de la sonde radio - altimétrique a été aussi de 100 pieds (annonce également enregistrée sur le CVR).

- qu'il y a donc eu concordance de la hauteur barométrique avec la hauteur sonde, indépendante, à 100 pieds, donc pas de modification intempestive de l'affichage antérieur sur les planches de bord.

* Les experts AUFFRAY/BOURGEOIS reconnaissent cependant que la mesure d'altitude barométrique à grande incidence de vol comporte, par principe, une erreur non négligeable, qui s'ajoute à l'erreur d'affichage, à l'erreur de mesure au sol et à l'erreur éventuelle de lecture.

* Les experts AUFFRAY/BOURGEOIS:

- semblent avoir méconnu l'existence de deux bulletins (OEB) d' AIRBUS INDUSTRIE annonçant un nouveau standard d'équipement, (qui ne serait d'ailleurs disponible qu'à compter du mois d'Août 1988),

- n'ont pas relevé que les conditions d'affichage altimétrique pour les équipages n'étaient pas conformes aux règles de certification. En effet, celles -ci imposent que chacun des pilotes dispose d'une source d'information autonome au plan de l'altimétrie, alors qu'en l'espèce, les deux pilotes recevaient une information identique. Ainsi donc, une information erronée pouvait être répétée pour chacun des membres de l'équipage.

* En ce qui concerne les modifications intempestives du calage altimétrique, la note manuscrite de Commandant MERLOZ Chef de Division A320, du 13/07/88 signale que malgré les améliorations apportées par SFENA, des anomalies peuvent subsister en vol ou au sol, lors de transferts électriques ou tout engagement et désengagement de l'un des systèmes d'aide au pilotage.

* En ce qui concerne le choix de la référence "radio-sonde ou altimètre baroaltimétrique":

- Mr DELHAYE (rapporteur Conseil de discipline) déclare que "le pilote, selon l'opinion du directeur des Opérations Aériennes, aurait dû suivre les indications de la Radiosonde sur l'écran de pilotage. Mais il admet que les indications sonores de la radiosonde aient été difficiles a percevoir, bien que puissantes..."

- Mr ASSELINE déclare que l'utilisation de la sonde n'a pas été retenue pour les raisons suivantes:

          . difficulté de maintenir un vol horizontal,

. non dialogue entre les ordinateurs (FMGC), ce jour là, sur cet avion,

. difficulté de lecture instrumentale instantanée de la valeur de la sonde, variable en fonction du profil du terrain de la bande survolée.

- Mr MAZIERES estime que la lecture de la sonde lors du survol est peu exploitable et que sur cet avion il n'est pas possible d'afficher une hauteur de décision sur un terrain qui n'est pas dans la banque de données, sans manipulations longues présentant des inconvénients importants.

4.2. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font remarquer que les informations radio altimétriques :

          - sont difficilement utilisables lors d'un palier sur un terrain non plan,

- sont difficilement lisibles dans leur présentation digitale qui nécessite une lecture interprétative relativement longue par rapport à une représentation analogique classique qui permet une lecture instinctive et instantanée,

- sont difficilement audibles dans un environnement bruyant du fait d'une forte ventilation des installations électroniques obligeant les pilotes à porter le casque en permanence. (Pour mémoire, une anomalie de conception fait que les indications sonores de la radiosonde ne passent pas dans les écouteurs des casques.)

- traduisent toutes les irrégularités du terrain, ce qui rend impensable un pilotage à la radiosonde.

* En ce qui concerne .la référence d'altitude barométrique, les experts BELOTTI et VENET font remarquer:

- que les indications d'altitude barométrique apparaissant sur les écrans cathodiques (PFD) ne proviennent pas d'une source d'information directe mais sont recomposées à partir de capteurs associés aux ordinateurs de bord.

- que l'enregistreur DFDR ne peut, à aucun moment, faire apparaître les indications d'altitude lues par les pilotes sur leurs écrans, mais seulement le résultat du calcul fait par l'ordinateur à partir d'une référence standard. Le calcul de l'altitude sur le vu du DFDR nécessite un calcul complexe et aléatoire dans ses résultats.

* En conséquence, les experts BELOTTI et VENET constatent que rien dans les pièces de la procédure ne permet:

- de savoir ce qui était effectivement indiqué dans les fenêtres baroaltimétrique des écrans de pilotage (PFD) placés devant les deux pilotes.

- d'écarter l'éventualité d'une anomalie d'origine électrique (transfert) ayant pu provoquer une différence soudaine et imperceptible par les pilotes, par rapport au calage altimétrique affiché par eux lors de leur contact avec la Tour de Contrôle d'HABSHEIM. En effet, il existe une contradiction entre:

. d'une part, les affirmations d'AIRBUS INDUSTRIE, reprises par les experts AUFFRAY/BOURGEOIS, selon lesquelles les causes d'origine électrique ayant provoqué des calages intempestifs et aberrants des altimètres barométriques sont désormais parfaitement identifiées et délimitées.

. et d'autre part, le contenu du rapport de première année d'exploitation de l'A 320 à AIR FRANCE, constatant que les modifications intempestives de calage altimétrique relevées en vol avaient cessé avant que l'on ait pu formellement identifier l'origine de cette anomalie.

5. ACCÉLÉRATION DES MOTEURS

5.1. Les faits

* Le Commandant ASSELINE a déclaré:

- qu'il avait adopté pour cette présentation en vol, un pilotage manuel au niveau de la commande des gaz, ceci, pour plus de sécurité,

- que tout s'est passé normalement jusqu'au travers de la Tour de contrôle, où il a remis les gaz en avançant manuellement les manettes de poussée,

- que les moteurs n'ont pas répondu à sa sollicitation,

- qu'il a vu arriver la forêt et tenté d'imprimer une assiette à cabrer au moyen du mini-manche sans que les gouvernes paraissent répondre à sa sollicitation.

* Le Commandant MAZIERES (faisant fonction de second-pilote) a déclaré que les moteurs sont restés au ralenti malgré la manœuvre du Commandant ASSELINE demandant la pleine poussée.

* Un témoignage important est celui de Mr LUCBERNET, employé sur l'aérodrome et mécanicien avion qui déclare avoir distinctement entendu deux pompages moteurs suivis à une seconde d'intervalle d'une autre série de deux pompages. Il précise:

- qu'au moment ou il a entendu la première série de pompages, l'avion n'avait pas encore touché les arbres,

- que la deuxième série de pompages a dû être provoquée par l'ingestion de feuilles et branchages au moment du choc initial,

- qu'il n'a jamais entendu le bruit caractéristique de remise de gaz depuis sa position d'observation.

Un autre témoignage important est celui de Mr NEUBERT. (Expert Judiciaire. Ingénieur ENSEEIHT. Pilote Privé) qui a entendu un bruit étouffé de réacteurs, très différent de celui d'une remise de gaz, et qu'il attribuait plutôt à la destruction des éléments des réacteurs par les branches d'arbres aspirées et "moulinées" par les turbines. Après avoir examiné l'état de la forêt, il affirme, de façon absolument certaine qu'il n'y a eu aucune montée de puissance des réacteurs, ni au dessus du terrain, ni ensuite dans les arbres.

* Quatre autres témoins au sol ont entendu le bruit de reprise des réacteurs.

* Vingt neuf passagers ont déclaré avoir entendu le "bruit, le grognement", la "reprise" des réacteurs quelques instants avant ou au moment du premier contact avec les arbres.

AIRBUS INDUSTRIE a confirmé, dès le 27 juin, qu'il n'y avait pas de preuve de disfonctionnement des systèmes ou moteurs avion et que la puissance de remise des gaz a été affichée 5 secondes avant le toucher les arbres, situés au bout de piste, alors qu'une simulation en conditions semblables montre qu'il s'écoule 8 secondes entre l'instant ou l'on affiche la poussée et la prise d'altitude.

* MM MAGANE et DE VILLENEUVE ont déclaré:

- que sur les deux moteurs, on a constaté que les vannes VSV (dispositif anti-pompage pilotant la variation du calage des aubes du compresseur) étaient dans une position proche de celle du décollage, indiquant que le régime des deux moteurs était élevé,

- que, de plus, les VBV (vannes de décharge du compresseur) ont été trouvées fermées, indiquant que les moteurs n'étaient pas au ralenti (sur le moteur droit, toutes les VBV visibles étaient arrachées, sauf une, qui était en position fermée),

- que les premières constatations sur les moteurs semblent indiquer que ceux -ci développaient une puissance élevée au moment de l'accident.

* MM AUFFRAY et BOURGEOIS ont déclaré:

- qu'après examen de trois documents confidentiels de CFM, (examinés et corrigés par eux), aucune défectuosité, ni même anomalie, pouvant avoir existé avant le contact avec les arbres, n'a pu être mise en évidence,

- que pendant l'accident, les moteurs ont présenté une courbe d’accélération très voisine de celle des moteurs de l'avion NO 2 utilisé pour la certification de type de l'avion A 320, donc conforme à ce qu'ils devaient fournir,

- que l'accélération au moment de l'accident a été légèrement supérieure à celle donnée par les mêmes moteurs, lors du vol N04 de livraison à AIR FRANCE, pour une manœuvre similaire (manettes avancées un peu plus lentement),

- que l'examen des vannes de décharge (VBV) non détériorées à l'impact, montre qu'elles étaient en position ouverte, ce qui est cohérent avec un fonctionnement du moteur à bas régime, l'ouverture étant commandée par la régulation pour éviter l'extinction moteur,

- que l'examen des VSV permet de vérifier qu'ils sont en position proche de la fermeture, ce qui correspond aussi à l'action normale de la régulation quand le régime diminue,

- qu'il a été démontré que les moteurs avaient eu une accélération parfaitement normale et même plutôt meilleure que le minimum exigible, d'après le règlement de certification qui précise que le temps maximal admissible, en configuration atterrissage, entre la poussée du ralenti minimum de vol et la poussée de décollage (TO/GA) est de 8 secondes,,

- qu'à leur demande, CFMI a démontré que ce résultat n'aurait pas pu être obtenu si les VSV avaient souffert d'un phénomène de stagnation (hang up) au moment de la remise des gaz par l'équipage et que, par ailleurs, les conditions de la remise de gaz et sa modalité d'exécution éliminaient totalement la possibilité d'apparition de ces phénomènes.

On note dans le rapport définitif de la Commission d'Enquête:

          - que dès les premières exploitations des enregistreurs (CVR et DFDR), il a été établi      que les moteurs avaient répondu à la commande de remise de gaz effectuée entre 5 et 5,5      secondes avant l'impact sur les arbres,

- que la Commission a donc centré ses travaux sur la vérification des conditions de la remise de gaz portant sur:

. la restitution la plus exacte possible des paramètres des moteurs,

. la comparaison de l'évolution constatée avec les caractéristiques normales de la certification.

- qu'elle a d'ailleurs participé à l'expertise des moteurs, réalisée par le constructeur CFMI,

         - que les résultats de ces exploitations, sont parfaitement cohérents et montrent que les      moteurs sont remontés en puissance dès la commande de remise de gaz.

5.2. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) Des doutes subsistent sur le fonctionnement des moteurs qui ont fait l'objet d'OEB (Opérations Engineering Bulletin) publiés par AIRBUS INDUSTRIE, portant sur une insuffisante d'accélération des moteurs à basse altitude à grande vitesse. L'évocation par AIRBUS INDUSTRIE d'un défaut d'accélération en phase de remise de gaz laisse admettre qu'un vol à forte incidence pourrait entraîner les mêmes perturbations sur le fonctionnement des moteurs qu'une vitesse élevée. En effet, une remise de gaz s'effectue généralement, non pas à grande vitesse, mais en phase d'approche ou d'atterrissage alors que l'avion est à basse vitesse.

b) Les premiers experts semblent méconnaître l'existence des OEB relatives au défaut d'accélération moteur à basse altitude, dans lesquelles le constructeur indiquait qu'en l'état, "seules des hypothèses pouvaient être formulées" et annonçait des "investigations approfondies". Il recommandait aussi une procédure particulière en cas de survenance de ce défaut d'accélération des moteurs.

c) Cette consigne du constructeur est demeurée entre les mains de la Direction d'AIR FRANCE qui ne l'a pas transmise à ses équipages, si bien que l'équipage de l'A 3220 accidenté ne semblait pas disposer de cette information.

d) La position des dispositifs anti- pompage (VSV et VBV) fait l'objet de déclarations contradictoires:

- MM MAGANE et DE VILLENEUVE déclarent que, sur les 2 moteurs, on a constaté que les VSV étaient dans une position proche de celle du décollage indiquant que le régime des deux moteurs était élevé.

- Dans le Rapport préliminaire de la Commission d'Enquête on lit que la position des VSV correspond à un régime faible.

- Quant au Rapport d'Investigation AIR FRANCE, il fait état d'une "position anormale" des VSV.

e) Les tarages des vérins de commande des VSV étaient notoirement insuffisants sur la flotte puisqu'ils ont été renforcés depuis l'accident. Il est donc difficile d'imaginer que, moteurs asphyxiés et bourrés de branchages, ces aubes VSV aient eu suffisamment de "muscles" pour se caler en position ralenti.

f) En août 1988, postérieurement à l'accident et après expertise des réacteurs par CFM, il a été procédé par les techniciens du dit motoriste et d'AIR FRANCE, à la vérification des 4 réacteurs des A 320 (GFKA et GFKB) dans les nuits de 23 au 24 et du 24 au 25 août. Cette vérification a montré, que 3 moteurs sur 4 avaient des paramètres hors tolérances précisément en ce qui concerne les VSV. (Le 4ème moteur non critiquable à cet égard étant précisément celui qui avait été changé à la suite d'un pompage, le 13 août)

g) Sur l'A 320, il n'existe aucune liaison mécanique entre les manettes des gaz et les ordinateurs FADEC contrôlant les réacteurs. Plusieurs cas de non réponse, ou de réponse non conforme aux ordres du pilote ont été relevés par les équipages d'AIR FRANCE et d'AIR INTER, (l'ordinateur se refusant à prendre en compte l'ordre donné ou bien utilisant un programme dont la mise en oeuvre n'a pas été souhaitée par le pilote).

h) Les conclusions de l'expertise des moteurs, confiée au constructeur lui- même, ne figurent pas dans le dossier d'instruction.

* En conséquence, les experts BELOTTI et VENET estiment, en leur connaissance actuelle du dossier, que les éléments sur lesquels se sont fondés les enquêteurs pour aboutir à leurs conclusions concernant le fonctionnement des moteurs ne sont pas suffisamment probants et comportent des contradictions et des incertitudes liées à l'utilisation d'enregistrements dont la fiabilité et l'authenticité peuvent être mises en doute pour les raisons évoquées plus haut.

* Un plan d'actions sera soumis prochainement à Mme le Juge MARCHIONI. Il comportera notamment un examen des scellés et une nouvelle expertise des moteurs et systèmes de contrôle de poussée.

6. AVERTISSEURS SONORES

6. 1. Les faits

* Le Commandant ASSELINE a déclaré qu'en raison du niveau de bruit très éledans le cockpit, il travaillait au casque, c'est pourquoi il n'a pas entendu les annonces de la radiosonde.

* Le Commandant MAZIERES (faisant fonction de second -pilote) a déclaré ne pas avoir souvenance d'avoir perçu d'annonce sonore et précise que s'il avait entendu l'annonce "30 pieds", il aurait déclenché immédiatement une remise de gaz.

* Mr DELHAYE (rapporteur du Conseil de discipline) a déclaré qu'on pouvait admettre que les indications sonores de la radiosonde aient été difficiles a percevoir, bien quelles soient puissantes..."

* La Commission d'enquête a précisé que les répétitions de l'annonce de 30 pieds très rapprochées pouvaient être expliquées par de très faibles oscillations de hauteur de la radio sonde altimétrique, autour de la valeur de 30 pieds, l'annonce étant redéclenchée chaque fois que la hauteur de 32 pieds est franchie, dès lors qu'une augmentation d'altitude, même très brève, a été constatée antérieurement.

6.2->. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) En raison des bruits importants de ventilation à basse altitude dans le poste de pilotage de l'A 320, AIR FRANCE a été conduite à recommander à ses équipages le port du casque, (assurant entre autres, la fonction d'interphone). Ceci ayant pour inconvénient de masquer les annonces de la voix synthétique de la radiosonde qui, par une anomalie de construction, ne sont pas transmises par le casque à l'équipage.

b) Or, dès le 28 juin, les experts AUFFRAY/BOURGEOIS déclaraient qu'aucune attention n'avait été portée par l'équipage aux informations vocales de la sonde, laissant ainsi entendre que l'équipage avait volontairement négligé cette information, ceci sans avoir pris en compte les problèmes de "casques", pourtant bien connus des utilisateurs.

c) Contrairement à ce qu'affirment les experts AUFFRAY et BOURGEOIS dans leur rapport, le non- dialogue entre les deux ordinateurs FMGC, dû à une panne préexistante du système, n'était pas dépourvu de conséquences puisqu'il ne permettait pas à l'équipage d'introduire commodément les données nécessaires à l'affichage d'une hauteur minimum d'alarme sur le terrain d'HABSHEIM. Cet affichage permet, lors des approches en ligne, d'alerter les pilotes sur la proximité de la hauteur minimum de décision et d'anticiper une éventuelle manœuvre de remise de gaz. Dans le cas précis d'HABSHEIM cet affichage aurait peut- être contribué à faire prendre conscience à l'équipage d'une anomalie non détectée concernant la hauteur réelle de l'avion.

 

Les experts BELOTTI et VENET considérant qu'il existe de nombreux points inexplorés au sujet des avertisseurs sonores de l'A 320, particulièrement en ce qui concerne les indications audibles de la radiosonde, soumettront à Mme le Juge MARCHIONI, un plan d'actions comportant notamment un examen des conditions de certification.

 

7. COMMANDES DE VOL

7. 1 . Les faits

* Le Commandant ASSELINE a déclaré qu'au moment où il a vu arriver la forêt et il a imprimé à l'aide du mini- manche, une assiette à cabrer maximum à l'avion sans constater l'effet attendu.

* Le Ministre des Transports, (reproduisant mot pour mot les termes du Président de la Commission d'Enquête, Mr BECHET), a déclaré que la trajectoire suivie par l'avion était cohérente avec les ordres donnés par l'équipage au travers des commandes de pilotage.

* Les experts AUFFRAY et BOURGEOIS ont indiqué:

- que le PHR était à mi course.

- que la position du PHR donnée par l'enregistrement du DFDR était constante depuis le passage à 50 pieds jusqu'à l'arrêt du DFDR et vaut 4,411 à cabrer. L'autotrim était donc bien coupé comme le veut la loi de pilotage en action en dessous de 50 pieds (loi d'arrondi).

* La Commission d'Enquête, après les simulation en vol et sur simulateur, a déclaré avoir établi que le fonctionnement des commandes de vol a été conforme aux données de la certification lors du vol du 26 Juin 1988 et considère que les lois de pilotage de l'appareil ne présentent aucune caractéristique susceptible de créer une difficulté particulière de pilotage, même dans les conditions de vol qui diffèrent sensiblement d'une approche normale.

7.2. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) La consultation des différents pièces de la procédure concernant les commandes de vol a révélé l'existence de nombreuses incohérences.

b) C'est ainsi, par exemple, que l'on peut observer dans les listings existants des anomalies aussi flagrantes qu'une sollicitation à cabrer de 17° du mini- manche gauche accompagnée simultanément d'un mouvement à piquer de la gouverne de profondeur et ce dans les dernières secondes de vol enregistrées. Ce fait n'apparaît dans aucun des rapports des différents experts.

* Après avoir confronté les déclarations des différents enquêteurs relatives au fonctionnement des commandes de vol, il n'est pas possible, sur la base des enregistrements effectués et des diverses versions des listings DFDR existant dans le dossier d'instruction de confirmer, à ce stade, les résultats présentés.

8. DÉBLAIEMENT DU SITE

8.1. Les faits

* Les travaux d'abattage ont débuté le ler Juillet 1988 à 8 heures pour se terminer le 4 juillet 1988 dans la journée.

* Mr ROCHE-BRUYN, ingénieur ONF et chef de la Division de MULHOUSE a donné l'ordre de faire procéder rapidement à l'abattage des arbres endommagés. Il déclare avoir pris cette décision sur l'insistance de représentants du Bureau Enquêtes - Accidents, MM MANGANE et DE VILLENEUVE pour permettre de faire évacuer, au plus tôt, les débris de l'appareil aux fins d'expertise.

8.22. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) Le défrichage de toute la zone forestière correspondant à la trajectoire du crash interdit désormais définitivement une reconstitution rigoureuse du point d'impact initial et de la trajectoire de l'appareil, alors même que cette reconstitution s'avère impossible étant donné l'arrêt prématuré et inexpliqué des enregistreurs de vol.

b) Logiquement, l'abattage et l'exploitation du bois hors -sève aurait dû se faire en hiver selon l'avis du spécialiste de l'ONF, Mr KARRIERE.

c) L'évacuation des débris ne justifiait pas la suppression d'une pièce à conviction aussi importante pour la détermination de la trajectoire finale de l'avion étant donné:

- qu'il était possible d'évacuer les débris via un chemin à proximité du lieu du crash, quitte à l'élargir,

- qu'il était possible de ne couper les arbres que sur une saignée centrale de la largeur nécessaire au passage des moyens de traction et non pas sur toute la largeur de la trouée.

d) Quant à l'affirmation contenue dans le rapport de la P.A.F.

stipulant que:

"les mesures prises entre le 16 Juin et le 4 juillet, relatives au déboisement de l'aire du crash, n'ont apporté aucune gêne aux investigations portant notamment sur la trajectoire suivie par l'avion avant l'impact. En effet, la précision des premières constatations recoupées par les informations du DFDR, ont permis de reconstituer avec précision la position de l'AIRBUS durant ses dernières secondes de vol",

elle semble indiquer que la PAF a fait siennes des conclusions dont elle ignorait les conséquences sur la conservation des indices.

e) Les experts BELOTTI et VENET ne comprennent pas comment une telle décision a pu être prise par MM MAGANE et DE VILLENEUVE, experts du BEA, alors qu'ils avaient déjà eu connaissance des listings DFDR et ne pouvaient ignorer que les dernières secondes de vol étaient inexploitables, rendant ainsi impossible la reconstitution fidèle de la trajectoire finale de l'avion.

f) La question se pose également de savoir de quel mandat MM MANGANE et DE VILLENEUVE étaient investis pour prendre une décision aussi lourde de conséquences et échappant "a priori" à la compétence d'experts aéronautiques.

g) Une contradiction existe entre:

- la déclaration des experts AUFFRAY/BOURGEOIS qui signalent l'exigence manifestée par le Chef du District de l'ONF de relever l'épave par la partie de la forêt déjà détériorée par l'AIRBUS, partie de forêt à raser au préalable sur plus d'un hectare,

                    -  et celle du chef de district de l'ONF qui précise qu'il a pris sa décision sur l'insistance de MM                     MANGANE et DE VILLENEUVE.

En conséquence, il conviendra de rechercher les raisons qui ont conduit à une situation qui nous paraît contraire aux nécessités de l'enquête. Des propositions d'actions seront faites dans ce sens à Mme le Juge MARCHIONI et comporteront notamment l'audition des divers responsables.

9. MODIFICATIONS APPORTÉES A L'AIRBUS APRÈS l'ACCIDENT

La liste des modifications sera demandée à AIRBUS INDUSTRIE, à CFMI, à AIR FRANCE et à AIR INTER.

* D'ores et déjà, le rapport sur la première année d'exploitation de l'A 320 à AIR FRANCE fait apparaître un grand nombre de modifications.

 

AUTRES SUJETS

 

Les experts BELOTTI et VENET ont regroupé l'ensemble des informations contenues dans le dossier d'instruction relativement aux autres sujets suivants:

- RÉALISATION DU VOL,

- CRASH,

- AIR FRANCE,

- ADMINISTRATION,

- AÉROCLUB,

-    VIDÉO et PHOTOS.

* Pour chacun de ces sujets des synthèses partielles seront rédigées et déboucheront également sur un programme d'actions qui sera soumis à Mme le Juge MARCHIONI.

 

CONCLUSION

 

A ce stade de la contre - expertise, les experts BELOTTI et VENET estiment qu'il serait inutile de tenter une vérification " à posteriori " d'une situation rendue quasiment inextricable par la multiplicité des anomalies méthodologiques et contradictions constatées dans le dossier. De plus, toute référence aux enquêtes précédentes risquerait de conduire à une impasse paralysante par les litiges qu'elle ne manquerait pas de provoquer.

Aussi, dans un souci de simplification et d'efficacité, les experts BELOTTI et VENET concluent donc à la nécessité d'adopter une approche consistant à reprendre pratiquement toute l'enquête à ses débuts afin de tenter de préserver - pendant qu'il en est encore temps - les chances d'aboutir à un processus d'enquête incontestable.

Les plans d'actions à engager seront soumis à Madame le Juge MARCHIONI avec les synthèses de l'existant pour chaque sujet spécifique.

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